En mémoire

Une petite urne contenant des cendres prélevées à Auschwitz a été transférée dimanche 30 juin à la Mairie du 11e arrondissement au Cimetière du Père-Lachaise pour être déposée à côté du Mur des Fédérés.

Elle évoquera au milieu de cette ville de la liberté, le souvenir des quatre millions d'hommes[1],  femmes et enfants massacrés pendant des années, calmement, méthodiquement, sauvagement, dans ce monstrueux camp, chef-d'œuvre du nazisme.

Quatre millions ! pendant de longs mois ces milliers de condamnés à mort ont défilé vers les chambres à gaz et les fours crématoires, se refusant à croire que l'homme ou l'humanité a été capable de concevoir une telle gigantesque monstruosité !

Ceux qui sont revenus d'Auschwitz ont eu le 30 juin l'impression d'accompagner une dernière fois cette interminable colonne de victimes et avec une violente émotion ils ont revu tout ce qu'il y avait, de douloureux, d'atroce, d'humainement inqualifiable dans ce cataclysme conçu par les chefs du troisième Reich.

Devant cette urne évocatrice de tant de souffrances, de tant de révolte et désespoir, symbole de cette destruction massive et prolongée, les anciens d'Auschwitz ont réalisé que le monde n'a pas su encore tirer les conclusions que la tuerie d'Auschwitz nécessite.

Non, le phénomène d'Auschwitz est trop grave, trop inquiétant pour que nous puissions considérer toute une série de manifestations émotives plus ou moins insensées, plus ou moins passagères, comme la riposte qui convient à cette catastrophe préméditée.

Auschwitz demande une lutte continue, permanente, non seulement contre des régimes semblables à celui qui a créé cette œuvre scientifique de destruction de l'homme, mais aussi un combat de longue haleine pour l'amélioration morale de l'individu.

N'oublions pas que ce massacre a été réalisé par un peuple lentement civilisé, héritier d'une vieille culture, présentant un standard de vie supérieur.

N'oublions pas que cette tuerie a été conçue par des hommes du vingtième siècle.

En punissant les auteurs du massacre, en recherchant les causes qui ont déterminé Auschwitz et en les combattant d'humanité, réalisera le vœu le plus intense de tous ceux qui ont tant souhaité de vivre dans un monde meilleur.


[1] En 1946, le nombre total de victimes du camp est inconnu. Il a été fixé ultérieurement à un million de Juifs assassinés dans les camps d’Auschwitz-Birkenau.

Désiré HAFNER, « En mémoire », Bulletin mensuel de l’Amicale des anciens déportés d’Auschwitz, juin-juillet 1946, n°9, p.1