Au camp annexe de Dresde

Entassés dans des wagons avec un morceau de pain et saucisson de poisson, nous avons voyagé plusieurs jours. C'est à Dresde que nous sommes descendus. Il était temps nous n'en pouvions plus, il y avait encore des morts parmi nous.

Provisoirement nous avons été parqués dans un endroit humide dans la banlieue. Le lieu était sinistre, sale ; nous couchions à même le sol. De très nombreux avions alliés nous survolaient, ils lâchèrent leurs bombes Nous n'étions pas dans leur trajectoire mais que de bruit par les explosions.

A pied, nous avons été conduits près d'une gare de marchandises dans un petit kommando où était installé un atelier de réparation de wagons, lequel venait d'être bombardé. Nous avons pu constater que Dresden avait sérieusement écopé ; la ville était en ruine.

Les premiers jours nous n'avons pas travaillé, nous demeurions debout, dehors malgré le mauvais temps ; de journées entières. La nourriture était superficielle : 1/2 litre de soupe claire, 1/6e de boule. C'est tout.

Il nous arrivait certains jours de ne pas toucher à notre pitance. Nous avions faim et soif. L'eau nous était défendue. Nous surveillons constamment le tas de pluches, de rutas et de pommes de terre (ces légumes étaient destinés au SS). Il nous était défendu d'y toucher. Ceux qui parvenaient à ramasser ces pluches étaient terriblement frappés.

Pour nous éviter de les prendre, ils les arrosèrent de matières (fécales), mais malgré cela nous les mangions après les avoir essuyées sur nos rayés.

Certains parmi nous sont allés travailler, relever les ruines à proximité du kommando sous bonne escorte. Personnellement, je ne voulais pas travailler, j'en avais assez. Avec un  morceau de chemise d'un mort, je m'étais mis le bras en écharpe. J'étais "Krank" (malade). Cela me réussit ; j'étais exempt de travail Cependant j'avais faim, je me suis porté volontaire pour relever les ruines et les cadavres en morceaux espérant trouver de la nourriture. Mais rien... c'était horrible

Nous sommes restés jusqu'aux premiers jours d'avril à Dresden dans des conditions épouvantables qu'il serait trop long de relater. Combien sont morts je n'en sais rien. Il en mourrait tous les jours : c'était l'enfer.

Léon HOEBEKE, Destination la mort (convoi 27.4.44) récit authentique, Paris, Nouvelles éditions Debresse, 1977, p.131