Nous sommes encore des femmes

A ce moment, les conditions matérielles étant nettement meilleures, la discipline un peu relâchée, la vie humaine renaît au camp, on voit même quelques essais timides de coquetterie : celles qui ont la chance d’avoir encore une chevelure la coiffent avec soin, de nombreux petits cols blancs apparaissent sur les robes, soudainement raccourcies et rajustées à la taille. Nous sommes encore des femmes, et certaines parviennent même à être jolies dans leur robe lamentable, avec leur figure amaigrie. […]

Très rapidement les femmes SS prennent conscience de cette reprise de vitalité, les gifles et les sanctions pleuvent, des affiches rappelant le règlement quant à la tenue sont apposées dans chaque baraque. Lorsque nous avons l’aspect dégoûtant, elles nous traitent de « Schwein » (cochon) et nous punissent, mais c’est normal et elles préfèrent nous voir ainsi.

Marie-Josée CHOMBART de LAUWE, Toute une vie de résistance, Paris, Ed. Graphein FNDIRP, 1998, pp.97-98