Une pièce réservée aux punitions corporelles, la « Folterkammer »

Je me trouve depuis une dizaine de jours à peine au Struthof lorsqu'un prisonnier allemand, nommé Brickel, s'échappe à la nuit tombante d'un petit commando rentrant de la gare de Rothau. Dans pareil cas, il faut sans tarder trouver le complice de l'évadé. En tant que seul Alsacien, connaissant parfaitement la région, je suis donc accusé de lui avoir fourni des renseignements sur les environs et peut-être aussi des adresses où il pourrait se cacher. Les SS veulent absolument me faire avouer alors qu'il m'aurait été bien difficile de dire quoi que ce soit, car je ne connaissais même pas l'évadé.

 

Le lendemain, je suis amené au nouveau camp où, dans la première baraque près de l'entrée, vient d'être aménagée une pièce spécialement réservée aux punitions corporelles, la "Folterkammer". Mes bourreaux y ont installé le moyenâgeux et traditionnel instrument de torture se trouvant dans tous les camps nazis, le "Prügelbock".

Solidement attaché, je reçois d'abord une première punition de 25 coups de nerf de bœuf. Je reste toujours sur l'affirmation de mon innocence. On me détache alors du chevalet, mais c'est pour me pendre, par les pouces seulement, à deux anneaux fixés au mur. Avec d'atroces douleurs, je reste ainsi pendu pendant plus de deux heures. Comme en fin de compte, je n'avoue toujours rien, les SS me crachent à la figure, puis avec une cigarette, ils me brûlent la lèvre supérieure, comme en témoignent les cicatrices encore très nettement visible sur mon visage.

Le fugitif est repris le jour suivant dans une gare proche de Schirmeck et reconnaît ne jamais m'avoir connu. Les SS ne me firent pas pour autant des excuses ...

Martin WINTERBERGER, in Charles BÉNÉ, Du Struthof à la France Libre, Fetzer S.A. Editeur, 1968, p.123