Des phlegmons purulents… des colonnes vertébrales brisées… des dysentériques (Melk)

Personnellement, j’ai passé quelques mois au Revier comme infirmier. J’ai vu là de véritables martyrs dont les phlegmons purulents, d’où le pus coulait continuellement en répandant une odeur nauséabonde, ne laissaient presque pas de chair saine depuis la plante des pieds jusqu’à la naissance des fesses. J’ai vu des multitudes d’abcès très douloureux sous les bras, des doigts écrasés, coupés, des colonnes vertébrales brisées, des jambes écrasées, etc.…tout cela provoqué par les éboulements à la mine qui étaient fréquents du fait que les galeries n’étaient pas étayées par des spécialistes. Parfois il prenait fantaisie au SS de l’infirmerie de couper une jambe atteinte d’un phlegmon. Et, dans la salle où l’on faisait tous les pansements, par conséquent sans aucune condition d’asepsie, il pratiquait l’opération à l’aide d’une scie à métaux empruntée au garage.

Mais ce que j’ai vu de plus terrible, c’est la salle des dysentériques où, réduits à l’état de cadavres, n’ayant plus que la peau et les os, incapables de se tenir debout, nos camarades gisaient à 4 dans des châlits de 80 centimètres de large, sans paillasse et dont les planches étaient disjointes, complètement nus, avec en tout et pour tout une seule couverture, baignant dans leurs excréments et attendant la mort dans un air fétide et presque irrespirable.

Jean ECOLE, Souvenirs de la déportation ou la vie à Mauthausen et à Melk, Procès verbal de la déclaration de Jean Ecole au procès de Dachau, 1946