La sirène de la Gross Alarm déchirait le silence

Nous étions voisins de Hambourg, que la RAF bombardait presque chaque nuit ; en outre, les avions anglais traversaient le ciel pour s'enfoncer plus loin dans le pays. Chaque fois qu'une escadrille était signalée à quatre-vingts kilomètres, la Voralarm retentissait. Toutes les lumières s'éteignaient. Il fallait alors s'habiller dans l'obscurité totale, sans quitter sa paillasse, et attendre, avec l'angoisse de ce qui allait suivre et que nous ne connaissions que trop bien. […] Généralement, après ce bref lever de rideau qui nous semblait interminable, la sirène de la Gross Alarm déchirait le silence. On se levait en grande hâte, on se ruait dans les caves. Il arrivait souvent que la gross Alarm sifflât sans avertissement. C'était le pire : car nous devions alors nous vêtir précipitamment. Les Stubendienste, dans l'obscurité profonde, frappaient en hurlant, au hasard, sur les paillasses où s'attardaient les malhabiles. Il semblait que la nuit accrût leur férocité.

Louis MARTIN-CHAUFFIER, L'Homme et la bête, Paris, Gallimard, 1947, pp. 126-127