Deux fois par semaine ou plus, c’est le Lauskontrol

Neuf fois sur dix, lorsque le moment est venu, après la journée de travail, de savourer tranquillement notre morceau de pain, un commandement, toujours le même, nous fait frissonner :

Ausziehen !

Il faut se déshabiller complètement. C’est le contrôle des poux, le rasage, la douche froide, la pesée ou quelque chose d’autre. Il faut garder avec soi le béret, la chemise, le caleçon, la veste, le pantalon, les galoches, la gamelle, la cuiller et surtout ne pas laisser tomber le pain. C’est l’attente d’une heure, nu, dans un courant d’air. C’est la bousculade vers les lavabos ou le défilé, un par un, devant le chef de Block. Dans tous ces exercices, il ne faut pas lâcher le paquet de nos hardes, ni oublier de vérifier si, en son milieu, le même corps dur atteste toujours la présence du pain. Deux fois par semaine ou plus, c’est le Lauskontrol. Il faut monter sur un tabouret. Le Friseur, une ampoule électrique à la main, nous examine sous les bras et entre les jambes. Ensuite, il faut se tourner, s’accroupir, écarter les fesses avec les deux mains. Pendant ce temps, un Stubendienst vérifie la chemise et le caleçon. Malheur à vous si l’on a trouvé un pou. Il faut tuer ce pou et en détruire les germes. Il y a cent moyens pour cela. En voilà un, à titre d’indication. Un pou ne résiste pas à une certaine température de plusieurs degrés au-dessous de zéro. Au bout d’un certain temps, on peut être assuré que les poux et leurs larves ont cessé de vivre. L’homme, d’un naturel plus robuste, en réchappe, quand... il peut.

Le contrôle terminé, il faut s’habiller de nouveau, mais il faut en même temps traîner les paillasses pour faire les lits, se lancer à l’assaut d’une place et se battre pour la conserver. Quand, après tout cela, on retrouve son pain, le plaisir est gâché. Nos ennemis possèdent l’art de transformer en épouvantable corvée ce qui pourrait être un délassement.

Jean LAFFITTE, Ceux qui vivent, Paris, Editions Hier et Aujourd'hui, pp. 200-201