Notre président Victor Perahia est décédé à l'hôpital Beghin de Saint-Mandé dans le Val de Marne le 29 septembre 2024 ; il avait été élu président de l'UDA par le conseil d'administration dont il était le secrétaire général, lors de sa réunion du 9 septembre 2023.Victor Perahia succédait à notre camarade Isabelle Choko, décédée à Paris le 21 juillet précédent. Il aura poursuivi l'effort de modernisation de notre association et aura été étroitement associé à la préparation du 80e anniversaire de la libération des camps de concentration et d'extermination qui se déroulera en 2025.
Il était chevalier de la Légion d'Honneur et de l'ordre national du Mérite. Il avait, lors de séjours en Israël, écrit un livre, Mon enfance volée.
Victor Perahia, né le 4 avril 1933 à Paris, d'une famille venue de Turquie, a passé son enfance à Paris dans le quartier de la diaspora des Juifs venus de Turquie. Il habite alors au 16 de la rue Popincourt.
Son arrière-grand-père maternel, Abraham Passy, a été au début du XXe siècle Rabbin à Constantinople dont la femme s'appelait Janula Mizrahi. Ils sont enterrés à Hébron. Un de leurs fils, Salomon, arrive en France début des années vingt, et travaille au restaurant le Bosphore, qui fonctionne jusqu'en 1934, un lieu d'accueil très connu alors des Juifs fraîchement arrivés de Turquie, un lieu pour nouer des contacts, trouver du travail. Salomon sera assassiné, déporté par le convoi 77 en date du 31 juillet 1944.
Le père de Victor, Robert Perahia, est marchand forain en trousseaux de linge de maison.
En 1939, lui, qui est de nationalité turque, s'engage volontairement dans l'armée française. Il est affecté à la surveillance d'un dépôt ferroviaire à Nantes et il est fait prisonnier pour être interné de guerre.
Il est assigné à résidence à Nantes en congé de captivité et doit pointer hebdomadairement à la Kommandantur.
Victor Perahia a écrit de son enfance : " j'ai pris conscience que j'étais juif... Différent et peut-être moins bien que les autres". Il poursuit : "Il m'a fallu du temps, la fin de la guerre, et sans doute aussi la création de l'Etat d'Israël, pour me libérer de ce complexe."
Avec ses parents, il vit dans un meublé à Saint-Nazaire, une ville très souvent bombardée. son frère et ses grands-parents choisissent de rentrer à Paris pour s'y cacher. Ils seront saufs. Salomon Passy est arrêté dans la rue en juillet 1944 et déporté à Auschwitz par le convoi 77 dont il ne reviendra pas.
Le 11 juillet 1942, au début des vacances scolaires, le petit garçon qu'il est dîne avec sa mère ; ils reçoivent sept feldgendarmes allemands armés et casqués. Sa mère doit aller chercher son mari, avec comme rançon son fils qui reste avec ces soldats. Ils seront arrêtés tous les trois. Commencer un premier cauchemar qui s'achève dans la cour du grand séminaire d'Angers où il fait ses adieux à son père qui est déporté à Auschwitz par le convoi 8.
Débute alors une longue période d'internement, entamée avec sa mère au camp de La Lande, près de Tours, gardé par des gendarmes français.
L'été est beau, il se lie avec des enfants, transfuges de Pithiviers, qui sont assassinés peu après leur déportation.
Puis sa mère et lui arrivent à Drancy où ils restent internés durant 21 mois, témoins oculaires des arrivés incessantes et des départs pour Pitchipoï.
La mère de Victor a réussi à se faire passer pour femme de prisonnier de guerre, détenu dans un stalag, ce qui leur vaut à tous deux un sursis, dans ce camp de transit.
Il se souvient avec émotion d'un chef scout qui encadrait avec humanité les jeunes internés sur les principes du scoutisme : "nous avions pris l'habitude, la veille du départ d'une partie d'entre eux, d'une réunion de tout le groupe pour chanter, dans une chaîne d'union, le chant des adieux.".
En mai 1944, il est déporté avec sa mère au camp de concentration de Bergen-Belsen (Basse-Saxe), un camp dont le délitement en fait peu à peu un lieu de déréliction, un mouroir.
Le 6 avril 1945, il fait partie d'un transport destiné avec deux autres trains à se rendre à Theresienstadt, un transport qui erre autour de Berlin pour s'arrêter à Trobitz, derrière la ligne de Torgau, libéré le 23 avril 1945 par des troupes soviétiques.
Typhique, épuisé, il est soigné sur place et rejoint l'Hôtel Lutetia à Paris le 29 juin suivant.
Il est déclaré immédiatement tuberculeux contagieux et, en Dordogne, passe deux ans en sanatorium.
À son retour en août 1947, à 14 ans, il se retrouve à Paris, en famille, dans des conditions matérielles difficiles.
Il va entamer une carrière variée, et très brillante, "doté d'un optimisme actif" et de l'amour intarissable de sa mère.
Il laisse à ses deux enfants, Sarah et Robert, une très belle galerie d'art, rue Dauphine, près de la Seine.
Il rencontre tôt Rose qui a 19 ans, et ils se marient le 17 juin 1957 pour former un couple magnifique.
Deux enfants, cinq petits-enfants et encore en 2023, deux arrières petits-enfants, Ezra Victor et Gina Rose, les comblent de bonheur.
Victor Perahia, peu à peu, se libère de ses silences et témoigne de la Shoah à travers ce qu'il a subi.
Membre de l'Amicale des anciens déportés de Bergen-Belsen, il témoigne souvent à Paris ou en province, auprès de publics scolaires.
Puis il donne de son énergie au sein de l'Amicale des Déportés d'Auschwitz. Il assure vite la coordination des activités de témoignage, se voit confier les fonctions de secrétaire général et, enfin, est élu président de l'Union.
Il laisse l'image d'un homme élégant et actif, sachant écouter et parlant peu, attentif à son entourage, désirant réunir.