À partir de début juin 1945, l‘administration militaire britannique utilise les bâtiments de l‘ancien camp de concentration comme camp d´internement pour d’anciens responsables de l’État, de l’armée et du parti nazis. Après restitution du site à la Ville de Hambourg, celle-ci y installe une prison en septembre 1948. Les baraques en bois sont démolies et sont remplacées dans les années 1949/50 par une vaste aile de cellules. Par contre, les bâtiments en pierre sont réutilisés : les anciens dortoirs de déportés sont transformés en locaux pour l’administration pénitentiaire, en réfectoires pour les détenus, en entrepôts et infirmerie ; les bâtiments du camp SS, en logements pour le personnel judiciaire, et l’ancienne usine d’armement Walther-Werke en ateliers pénitentiaires. À la fin des années 1960, la Ville de Hambourg fait construire une deuxième prison entourée de hauts murs de béton à l´endroit où se trouvaient les glaisières.

Le site de l’ancien camp de concentration n’est alors pas accessible au public. Sur les insistances de survivants français, une première colonne commémorative est érigée en 1953 à l’écart du camp. Sur l‘emplacement des anciens jardins potagers, situés aux abords du camp où les SS faisaient épandre les cendres du four crématoire, un mémorial international est inauguré en 1965 dans un parc aménagé en cimetière. Il se compose d’un obélisque de 27 mètres de haut et d’un long Mur du souvenir, bordé de dalles en pierre portant le nom des nations des déportés. L‘Amicale Internationale de Neuengamme, qui regroupe les associations de survivants et de leurs familles, a légué au mémorial la sculpture réalisée par l’artiste française Françoise Salmon, Le déporté agonisant.

Des possibilités d’information ne sont mises en place qu’en 1981 avec l‘ajout à l’ensemble commémoratif d‘un centre de documentation abritant une première exposition. Depuis cette date, les efforts tenaces déployés notamment par les associations de jeunes et de survivants ont assuré la conservation des témoignages historiques et des vestiges architecturaux. À la suite de protestations en Allemagne et à l’étranger contre un projet de démolition, la Ville de Hambourg classe « monument historique » en février 1984 la briqueterie menacée de délabrement et procède à sa restauration.

Un projet de construction de nouveaux bâtiments pénitentiaires sur l´emplacement de l’ancien camp de déportés soulevant une vague de protestations, le Sénat de Hambourg décide en juillet 1989 de déplacer l‘établissement pénitentiaire Vierlande établi sur le site depuis 1948. La Gedenkstätte anticipe le transfert de la prison reporté à plusieurs reprises et aménage avant l’heure une partie de l’ancienne usine Walther-Werke, pour qu’une nouvelle exposition permanente puisse y être inaugurée en mai 1995 à l’occasion du cinquantenaire de la libération. Parallèlement, le centre de documentation est transformé en Maison du recueillement. Sur de longues bandes d’étoffe suspendues aux murs en béton brut s’y égrènent par ordre chronologique des dates de décès les noms de 25 000 victimes. Depuis la fin de la guerre, cette liste de noms s’allonge. Des bandes laissées vides évoquent les victimes dont les noms demeurent inconnus.

À l’issue de nouveaux contretemps et d’autres protestations, la prison est finalement transférée en juin 2003 dans le nouvel établissement pénitentiaire de Billwerder, et les bâtiments datant du camp de concentration sont remis au site commémoratif de Neuengamme. Pour le 60e anniversaire de la libération, le 4 mai 2005, est inauguré sur le site historique un centre d’expositions, de rencontres et d’études. Quatre des cinq nouvelles expositions permanentes sont présentées dans des bâtiments qui datent de l’époque du camp de concentration : l’exposition principale plurilingue « Traces du passé » occupe un ancien bâtiment d´hébergement construit en 1943-1944 dans le camp des déportés, et documente 2500 pièces originales, 120 registres biographiques et 300 dossiers thématiques sur les crimes nazis et le sort réservé aux déportés, de même que les retombées historiques jusqu’à nos jours. L’exposition thématique ciblée « Service au camp de concentration de Neuengamme : les SS du camp » est présentée dans les anciens garages des SS. Deux expositions annexes informent sur les diverses conditions de travail dans l´ancienne briqueterie et l´ancienne usine d´armement Walther-Werke. Enfin, sur un pan de mur en béton surplombé d’un mirador datant de la deuxième prison construite à la fin des années 1960, l’exposition en plein air « Prisons et Centre de mémoire : chronique d’une incompatibilité » mesure le long chemin parcouru jusqu’au transfert de la prison et à l’aménagement du site commémoratif.

En février 2006 a lieu la fermeture de ce deuxième établissement pénitentiaire. Après sa démolition, ce terrain est également intégré au site commémoratif et les vestiges sont dégagés. Aujourd’hui, la Gedenkstätte couvre sur une superficie de 57 hectares presque l’ensemble du site historique de l’ancien camp de concentration doté de 17 bâtiments d’origine, et se présente désormais au public avec des panneaux d’information en plusieurs langues et un guide audio. Grâce à l’engagement des survivants et de leurs associations, et aussi à une nouvelle prise de conscience dans l’opinion publique allemande et parmi les personnalités politiques de Hambourg, l’ancien camp de concentration de Neuengamme est aujourd’hui voué exclusivement à la mémoire des victimes, à la documentation et à la formation en histoire politique.


Dr. Detlef Garbe,
Ancien Directeur de la KZ-Gedenkstätte Neuengamme (1989-2022)
Mémorial de l'ancien camp de concentration de Neuengamme

NB : Hors le Centre de mémoire du camp de concentration de Neuengamme, le souvenir de l’État de non-droit national-socialiste a essaimé en de nombreux endroits de Hambourg. Depuis les années 1980, des lieux et sites de mémoire ont été établis dans toute la ville. Le portail www.gedenkstaetten-in-hamburg.de, géré par Fondation des mémoriaux et lieux didactiques à Hambourg pour la Ville de Hambourg, fournit des renseignements sur plus d’une centaine de mémoriaux et sites de mémoire qui rappellent par des créations artistiques et des expositions les victimes du régime nazi.
D’autres centres de mémoire ont été également créés dans de nombreux anciens Kommandos ou mouroirs liés au camp de concentration de Neuengamme.
(mise à jour faite en octobre 2024 par l’Amicale de Neuengamme et de ses Kommandos, à partir du site internet de la Gedenkstätte de Neuengamme)