Colette

Documentaire avec Colette Marin-Catherine et Lucie Fouble. États-Unis, 24 min.

La réalisation de ce court-métrage est le fruit de différentes rencontres au centre desquelles se trouve Colette Marin-Catherine.

Née en 1929 à Bretteville-l’Orgueilleuse, village du Calvados, Colette est âgée de 10 ans quand la Seconde Guerre mondiale éclate. Sa famille entre assez vite dans la résistance. Son frère, Jean-Pierre, de trois ans son aîné, intègre en 1940 un réseau avec des camarades au moment où la moitié nord de la France passe sous occupation allemande. Il rassemble et cache des armes, distribue des tracts et continue de fleurir les monuments aux morts, honorant ainsi la mémoire des soldats ayant combattu l’Allemagne lors du précédent conflit. C’est à cette occasion qu’il va se faire arrêter avec 6 de ses camarades. Seuls deux rentreront.

Colette, très jeune, a la mission d’observer. Elle note les allers et venues des camions, leur numéro et transmet cela à sa famille. Plus tard, après le débarquement, elle aide sa mère à soigner les blessés.

Cette histoire, Colette commence à la raconter depuis une dizaine d’années lors de visites et d’événements organisés au Mémorial de Caen, en partenariat avec des institutions américaines, comme le National World War II Museum de la Nouvelle-Orléans (Louisiane). C’est ainsi qu’en 2018, elle croise l’équipe d’Oculus Studios, le réalisateur américain Anthony Giacchino et la productrice française Alice Doyard, présents en Normandie afin de filmer une série de portraits de résistants pour le jeu vidéo Medal of Honor : Above and Beyond.

Colette, son franc-parler, sa personnalité et sa volonté de transmettre font forte impression face à la caméra. C’est là que l’idée de faire un film va germer. Cette idée va se concrétiser lorsqu’ils vont faire la connaissance de Laurent Thierry, historien au Centre d’histoire et de mémoire de la Coupole d’Helfaut et directeur du projet de Dictionnaire biographique des Déportés de Dora. Laurent Thierry connaît bien l’histoire de Colette mais surtout, celle de son frère, Jean-Pierre, arrêté en 1943, emprisonné à Caen, déporté au camp de concentration de Natzweiler-Struthof en Alsace puis au camp de Dora-Mittelbau à Nordhausen en Allemagne. C’est Lucie Fouble, âgé de 17 ans et bénévole à La Coupole qui est chargée de rédiger la notice biographique de Jean-Pierre Catherine.

Ce n’est qu’en découvrant le travail de Lucie autour de son frère que Colette acceptera la proposition de l’équipe d’Oculus Studios de se rendre en Allemagne, au camp de Dora. Elle n’a jamais souhaité, après-guerre, faire ce déplacement. Très marquée, comme sa famille, par ces années d’occupation, il lui était inconcevable de se rendre dans ce pays et d’entendre parler allemand. On constate dans le documentaire que ce traumatisme est toujours présent au moment où le maire de Nordhausen s’adresse à elle. Ce voyage va raviver des blessures qui avaient mis tant de temps à cicatriser, qu’elle avait « mis tant de temps à oublier ».

La visite du camp va se révéler être une épreuve. Colette, accompagnée de Lucie, découvre les lieux et les conditions de détention de son frère. Comme près de 20 000 déportés sur les 60 000 déportés, essentiellement politiques, qui furent détenus à Dora-Mittelbau, Jean-Pierre y mourut d’épuisement, dans des conditions atroces, le 22 mars 1945, trois semaines avant la libération du camp par les Américains. Désigné pour faire partie du Kommando 55 en tant que mécanicien, il dut travailler dans le tunnel de Dora à la construction des V2, ces armes de représailles qui devaient être lancées, depuis la Coupole, sur Londres.

Ce déplacement a permis à Colette de faire le deuil de son frère. Dans le crématoire, « C’est vraiment là que j’ai vu partir mon frère ». Cela l’a renforcée dans sa conviction qu’il fallait continuer à transmettre cette histoire, à témoigner aux jeunes générations.

De son côté, la mission est accomplie. Récompensé dans plusieurs festivals américains, Colette a été primé à la 93ème cérémonie des Oscars « meilleur court métrage documentaire ». Afin de poursuivre la transmission de cette mémoire, un stolpersteine (pavé commémoratif) a été apposé le 11 novembre 2019 devant la maison familiale de Bretteville-l’Orgueilleuse. C’est le premier de ce genre dans la région.

Sophie Lenis, Après-Auschwitz, n°357-358, Janvier – Mars / Avril – Juin 2021