La rafle des notables. Compiègne, 1941

Contenus Shoaheduc au 19-06-2024

Le 12 décembre 1941, des soldats allemands arrêtent 736 notables : intellectuels, membres de professions libérales, militaires, commerçants. Leurs noms figurent dans le « fichier Tulard » dont la précision a permis de connaître, adresses, qualités, professions … Tous sont Français et Juifs, (on disait Israélites) citoyens intégrés.

Parmi eux Léonce Schwartz grand-père paternel d’Anne Sinclair commerçant aisé, Chevalier de la Légion d’honneur dont l’auteur, à part quelques fragments du « roman familial », ignorait l’histoire avant de décider, en 2020, envahie par les remords, de lui consacrer un livre.

Faute de témoins survivants, elle s’est imposé d’aller sur les lieux où ces hommes ont été internés, de réunir tous les documents existants dont de précieux témoignages écrits, d’interroger Serge Klarsfeld et les historiens spécialistes… et elle a inscrit son grand père dans un récit où ce qu’elle savait de son caractère est inséré.

Par le froid (ni chauffage, ni vêtements chauds, des heures d’appel à l’extérieur la température des corps qui descendait à 35°), par la faim (ceux qui en sortirent avaient perdu 25 à 30kg en trois mois), par la précarité des installations (de la paille sur du béton et l’impossibilité de se changer, de lutter contre la vermine), nous découvrons comment Dannecker gestapiste nazi, responsable de l’opération a transformé ces hommes en loques humaines tout en sachant qu’il devait les expédier vers l’Est où chambres à gaz et fours crématoires étaient déjà expérimentés.

Aux notables ont été ajoutés environ 300 prisonniers de Drancy, juifs étrangers, dont la culture et en particulier la judéité était très éloignée de celle des notables. La cohabitation devint vite difficile.

De nombreux témoignages de la vie dans « le camp des juifs » ont été exhumés à la demande d’Anne Sinclair. Si les rapports entre les prisonniers n’ont cessé de se dégrader, beaucoup ont insisté sur des exemples d’hommes admirés de tous. Ainsi Rabinovitch, chanteur d’Opéra d’origine russe qui partagea systématiquement des suppléments de nourriture qu’il avait pu se procurer.

Les ordres provenant de Berlin confus et diversement interprétés ont justifié en mars, l’envoi dans des hôpitaux des plus grands malades. C’est ainsi que Léonce figure sur les registres du Val de Grâce le 24 février 1942.

Comment Margot, sa femme, la grand-mère d’Anne a-t-elle réussi à l’en sortir ? Où ont-ils vécu ensuite ?  Rien ne permet de le savoir !

Victime des sévices endurés il s’est éteint quelques jours après la fin de la guerre.

Un convoi partit de Compiègne vers Auschwitz le 27 mars. 1942.

Hommage à son grand père, à tous ceux qui ont souffert avec lui, ce livre est aussi un appel solennel de l’auteur à ne pas, comme elle, laisser échapper les témoignages familiaux quand il est possible de les obtenir.

Claude Dumond, Après-Auschwitz, n°357-358, Janvier – Mars / Avril – Juin 2021