Longues vies ! Pour ceux qu’on a voulu détruire si jeunes !

En 2014, en Israël, un journal donnait à lire une interview d’une dame très âgée habitant à Jérusalem dans une maison de retraite. Elle était une survivante de la Shoah ; toute sa famille avait été détruite par les nazis ; elle s’était mariée en Israël ; son mari était mort, et son seul enfant habitait en Amérique. Comme je devais passer 3 mois à Jérusalem pendant l’automne 2014, je me suis dit que j’irais rendre visite à cette dame, si gracile et si souriante sur la photo du journal, et que je ferais son portrait à la mine d’argent ! Cette idée était venue tout à fait spontanément ; une façon de passer du temps avec elle ?… Mais à l’automne 2014, aucun rendez-vous n’avait abouti. Je suis donc repartie sans l’avoir rencontrée. Et reprise par mon quotidien, j’ai « oublié » cette dame et ce projet de réaliser son portrait.
En 2018 la mort de Simone Weil et de Marceline Loridan-Ivens ont fait revenir avec force et urgence cette idée de réaliser les portraits des survivants des camps, et toujours avec cette technique bien spécifique : la mine d’argent. C’est une technique très ancienne et très utilisée à la Renaissance. Il s’agit d’utiliser une pointe d’argent, un fil un peu épais (en l’occurrence une aiguille à chapeau) comme on utiliserait une mine graphite. Mais à la grande différence de la mine graphite, la trace, la ligne, déposée par la mine d’argent ne s’efface pas avec le temps ou le frottement. Au contraire elle s’intensifie, grâce aux réactions chimiques de gaz présents dans l’atmosphère, et grâce à la lumière.
Au début de l’été 2018 une amie me propose de rencontrer Daniel Urbejtel qui approuve tout de suite ce projet et rendez-vous est pris. Comme pour chacun des 10 portraits de survivants réalisés, je me rends chez lui avec mon matériel (le panneau préparé, la mine d’argent et quelques crayons de couleur). Aller chez eux m’a permis pour chacun de découvrir leur environnement, et c’est spécialement touchant et parlant.
Après Daniel Urbejtel, au fil du temps, j’ai rencontré Benjamin Orenstein, Henri Zajdenwergier, Aron Bulwa, Elie Buzyn, Raphaël Esrail, Esther Senot, Cécile Zoly, Ginette Kolinka, Magda Hollander-Lafon, Isabelle Choko, Lili Keller Rosenberg.
L’exposition des 12 portraits accompagnés de biographies est accueillie par le Centre culturel Jean Vilar de Marly-le-Roi(Yvelines),du 12 janvier au 18 février (en après-midi).