Rescapés de la Shoah

Flammarion, 96p., 2017, (CR, Isabelle Ernot)

Cette bande dessinée d’origine anglaise met l’histoire de la Shoah à hauteur d’enfant, un défi pédagogique que l’album parvient à relever. Il propose une approche sensible et concrète par les témoignages de six enfants juifs survivants, Heinz, Trude, Ruth, Martin, Suzanne et Arek qui avaient une dizaine d’années lorsque  la guerre a éclaté et qu’a commencée la traque des Juifs. Le sujet est abordé à l’échelle européenne, les enfants ayant vécu dans différents pays, Pologne, Tchécoslovaquie, France, Allemagne, avant de pouvoir traverser la Manche ou la Mer du Nord pour se mettre à l’abri en Grande-Bretagne. Tous n’y sont pas arrivés avec leurs parents, qui furent eux, déportés et assassinés. Un de ces enfants, Martin, a fait partie des « Kindertransport» (opération  de  sauvetage d’enfants juifs issus des  pays sous domination  nazie,  Allemagne, Autriche, Pologne,  Tchécoslovaquie qui furent reçus en Grande-Bretagne entre 1938 et 1940). En Pologne, Arek a connu les ghettos et le camp d’Auschwitz-Birkenau.  En  France,  Suzanne,  enfant  du  20e  arrondissement, esseulée, a été cachée en Auvergne, devenue orpheline, elle a été oubliée du monde et n’a rejoint la Grande-Bretagne où vivait sa grand-mère qu’après la guerre.

A  l’histoire  de  chacun  des  six  enfants  correspond  un  petit chapitre.  L’album  a  été  adapté  par  Ryan  Jones  à  partir  d’une série animée de la BBC, Lost children of the Holocaust, réalisée par Zane Whittingham (2014), créé dans le cadre de la commémoration des 70 ans de la « découverte » du camp d’Auschwitz (2015). Les récits courts sont portés par un graphisme adapté à un jeune lectorat qui privilégie des représentations symboliques pour exprimer la violence, la contrainte, le danger de mort…

On découvre les modalités de survie qui passent principalement par la solidarité intrafamiliale, amicale, celle de voisins ou encore d’inconnus. Les événements identifiés comme des jalons dans la gestation du génocide permettent un travail de contextualisation historique du vécu imposé à ces enfants. Sont ainsi évoqués, les lois de Nuremberg, la Nuit de cristal, la création des premiers camps de concentration du Reich, ou encore, la Polenaktion (expulsion en 1938 d’environ 17 000 Juifs vers la Pologne), la politique expansionniste (l’invasion de la Tchécoslovaquie), les rafles (en France, celle du Vel d’Hiv) … A la fin de l’album, on découvre le visage actuel des six protagonistes et quel  fut leur parcours, personnel, familial et professionnel. L’ouvrage comporte également une chronologie et un glossaire (pour une première approche, enfants à partir de 10 ans).

Isabelle Ernot, Après-Auschwitz, n°355-356, Juillet-Septembre / Octobre-Décembre 2020