Si je reviens un jour. Les lettres retrouvées de Louise Pikovsky

Editions Des ronds dans l’O., 2020, (CR, Isabelle Ernot)

En 2010, des lettres de Louise Pikovsky, adolescente déportée et assassinée à Auschwitz étaient retrouvées au Lycée Jean-de-La-Fontaine où la jeune fille avait été scolarisée. Il s’agissait de lettres envoyées à sa professeure de latin-grec, Anne-Marie Malingrey, durant l’été 1942 alors que Louise était âgée d’une quinzaine d’années. Brillante élève, déjà lauréate à plusieurs reprises de premiers prix et prix d’excellence, Louise entretenait une relation d’amitié avec sa professeure.

Les enseignantes du lycée Jean-de-La-Fontaine qui en 2010 ont  retrouvé  ces  lettres  qui  dormaient  dans  une  armoire, ne parvenant pas à faire la lumière sur leur auteur, la jeune Louise, les ont confiées à Stéphanie Trouillard. Cette dernière,  journaliste  à  France  24,  spécialiste  des  sujets relatifs à la Seconde Guerre mondiale, a mené l’enquête et reconstitué l’histoire de Louise.

Toute sa famille a été arrêtée le 22 janvier 1944 à Boulogne-Billancourt par des policiers français. Depuis l’été 1942, leur vie était devenue très difficile. Le père, arrêté une première fois dans le cadre de la Rafle du Vel d’Hiv, le 16 juillet 1942, avait  été  relâché  quelques  semaines  plus  tard.  Désormais marquée par l’angoisse, la famille est déstabilisée et se sent menacée.

C’est durant cette épreuve, à l’été 1942, que Louise correspond avec Mademoiselle Malingrey.  Ses lettres  s’étendent entre le 7 août et le 19 septembre 1942.

Durant 1943 jusqu’au début 1944, la vie reprend malgré toutes les interdictions et privations. Louise poursuit sa scolarité – mais au lycée Janson-de-Sailly car Jean-de-La-Fontaine est réquisitionné par l’occupant allemand.

Un autre petit mot adressé à la professeure était avec les lettres, celui-là très court et visiblement rédigé à la hâte :

« Nous sommes tous arrêtés. Je vous laisse les livres qui ne sont pas à moi et aussi quelques lettres que je voudrais retrouver si je reviens un jour. »

Ce dernier message confirme la venue de Louise au lycée le jour de son arrestation. La police française leur avait laissé une  heure  pour  préparer  leurs  affaires, un laps de temps utilisé par Louise pour se rendre à  Jean-de-La-Fontaine et confier le cartable au concierge du lycée. Avec son père, sa mère, ses deux sœurs et son frère, le 22 janvier 1944, elle est conduite à Drancy. Dix jours plus tard, le 3 février 1944, tous sont déportés par le convoi 67.

L’enseignante Anne-Marie Malingrey n’a jamais oublié son élève, habitée par le souvenir de la brillante élève et le regret de n’avoir pu la sauver. Son aide avait été déclinée. La famille ne voulait pas se séparer. En 1988, pour le 50e anniversaire du lycée Jean-de-La-Fontaine, l’enseignante retraitée a rappelé le souvenir de la jeune fille et confié le cartable au lycée  –  où  il  est  resté  dans  l’oubli  durant  22 ans,  jusqu’en 2010.

En 2017, Stéphanie Trouillard a d’abord produit le documentaire «Si je reviens un jour» (récompensé de plusieurs prix). L’histoire  de  Louise  désormais  déclinée  en  bande  dessinée devient  accessible  à  un  public  plus  jeune.  Un  dossier  clôt ce roman graphique, composé de portraits de la famille de Louise, de reproductions de ses lettres, d’une photo de classe et d’une chronologie.

Sur  la  photo  de  classe  de  la  3e  AA’  (1942-1943)  si,  malgré l’obligation  Louise ne  porte  pas  l’étoile  jaune,  c’est  parce que madame Malingrey lui avait demandé de la retirer – un moment évoqué dans l’ouvrage (pp.45-46)

Isabelle Ernot, Après-Auschwitz, n°355-356, Juillet-Septembre / Octobre-Décembre 2020