Une vie nous sépare

De sa rencontre avec Denise Holstein, le lycéen de 18 ans a fait un récit, à l’origine d’un documentaire (Canal+, réalisé avec Raphaëlle Gosse-Gardet).
« Soixante-quinze ans me séparent de Denise Holstein, mais après deux ans d’échanges, j’ai compris une chose fondamentale : un vieux, c’est un ancien jeune. Denise a toujours seize ans, c’est une adolescente pleine d’humour et de malice. » Le jeune homme qui a fait un voyage à Auschwitz où il affirme n’avoir rien ressenti a été en revanche bouleversé par sa rencontre avec Denise Holstein. Un point commun existe entre eux : un lycée de Rouen qu’ils ont fréquenté tous deux, à 8 décennies d’intervalle.
Si l’on peut émettre quelque réserve sur les formulations du lycéen quant au problème de la représentation d’Auschwitz et de la Shoah, l’essentiel est sans doute dans le lien amical qui se tisse entre Denise et Baptiste, fin observateur. « Son regard malicieux, celui d’une camarade toujours prête à rire. Ses cartouches de cigarettes entassées dans un placard près des photos de famille. Ses trous de mémoire de vieille dame, sa difficulté à comprendre la souffrance des autres, pensant qu’elle n’égalera jamais la sienne. Sa manière de parler de ‘maman et papa’ comme une adolescente qui a encore besoin d’eux pour grandir. Son inquiétude récurrente face à ma situation scolaire. Sa vision bien à elle de la politique, sa peur des rassemblements, de la colère, de la foule. Ses anecdotes heureuses dans des moments de grande tristesse. Son sourire qui efface ses larmes. » De Denise, il retient « non pas l’image d’une survivante des camps de la mort, mais celle d’une femme à la poursuite du bonheur comme chimère. »
Née à Rouen en 1927, Denise Hosltein est arrêtée en janvier 1943 avec ses parents puis séparée d’eux. Ils sont déportés en novembre 1943, par le convoi 62, et Denise, elle, par le dernier convoi, le 77, le 31 juillet 1944. Après le camp d’Auschwitz, elle est transférée au camp de Bergen-Belsen où elle est libérée en avril 1945. Témoin majeur, elle a commencé à témoigner de son histoire auprès des jeunes dans les années 1990. Elle a publié deux récits de sa déportation : Je ne vous oublierai jamais, mes enfants d’Auschwitz, Éditions n°1, 1995, Le Manuscrit de Cayeux-sur-Mer, juillet août 1945, Rouen – Drancy – Louveciennes – Birkenau -Bergen-Belsen, Éditions Le Manuscrit, 2008.
Isabelle Ernot, Après Auschwitz, n°353-354, Janvier – Mars/Avril – Juin 2020